Le second mandat d’Emmanuel Macron touche à sa phase décisive. D’ici 2027, aucune élection nationale majeure ne viendra perturber la trajectoire politique de l’exécutif. Pourtant, l’incertitude plane. Entre impopularité persistante, recompositions politiques et aspirations à laisser une empreinte historique, le président avance dans un climat tendu. Observons, sans parti pris, les forces et faiblesses qui définiront la fin de son quinquennat.
Un président affaibli mais encore stratège
Depuis la réforme des retraites adoptée à l’aide du 49.3, le pouvoir macronien semble fragilisé. Le chef de l’État, réélu sans majorité claire à l’Assemblée nationale, gouverne dans une logique de compromis difficile. Cette faiblesse institutionnelle a transformé son second mandat en exercice d’équilibriste.
Mais Emmanuel Macron reste un fin tacticien. Il a su éviter les dissolutions hasardeuses et marginaliser les oppositions dans l’hémicycle, tout en poursuivant une politique européenne affirmée. Sur la scène internationale, il conserve un certain prestige, porté par ses prises de position sur l’autonomie stratégique de l’Europe et son rôle dans le soutien à l’Ukraine. Par ailleurs, la reconnaissance de la Palestine fait de lui un chef d’état, qui, pratique comme depuis toujours, le « en même temps« .
En revanche, sur le plan intérieur, son image reste clivante. Selon les derniers baromètres IFOP et Elabe, le chef de l’État est perçu comme « président des classes favorisées » par une part importante de la population, malgré ses tentatives de recentrage social.
Des réformes économiques inachevées ou contestées
Le président l’a promis : pas de pause réformatrice. Pourtant, plusieurs chantiers restent à l’arrêt ou divisent fortement. Le projet de loi sur le plein emploi, le pacte productif et la transition énergétique sont tous confrontés à des résistances, tant dans les corps intermédiaires que dans l’opinion.
La réforme du RSA, expérimentée dans plusieurs départements avec des obligations d’activité, suscite une vive critique d’une partie de la gauche et d’associations caritatives, qui y voient un risque de précarisation accrue. Le projet reste flou, même au sein de la majorité.
Par ailleurs, la gestion de l’inflation et de la crise du pouvoir d’achat continue de tendre les relations entre l’exécutif et les Français. L’absence de véritable réponse fiscale sur les « superprofits » et le maintien d’une politique budgétaire libérale sont de plus en plus décriés, y compris dans les rangs centristes. Le retour des gilets jaunes façon 2025 pourrait bien être la mauvaise surprise de la rentrée.
Macron face à l’impasse politique : la tentation de l’exécutif direct

En l’absence de majorité stable, le président mise sur le Conseil national de la refondation (CNR), outil censé renouer le fil avec la société civile. Mais cette instance reste peu visible, et son impact réel questionne. Largement boudée par les partis d’opposition, elle n’a pas permis de refonder le lien démocratique.
À défaut d’élargir sa base parlementaire, Emmanuel Macron semble privilégier une forme de verticalité assumée. L’usage récurrent du 49.3 alimente les critiques d’autoritarisme institutionnel. Pour certains constitutionnalistes, cette stratégie conforte un modèle de pouvoir peu adapté à une société fragmentée, en quête de participation.
Face à cela, des voix plaident pour une réforme des institutions; une promesse de campagne en 2017 restée lettre morte. Le Sénat, les collectivités et même certains ex-ministres de la majorité pressent le président d’agir pour rééquilibrer les pouvoirs avant la fin de son mandat.
Quelles perspectives d’héritage présidentiel ?
Emmanuel Macron ne peut pas se représenter en 2027. La question de sa succession devient donc centrale. Plusieurs figures émergent, sans réel consensus : Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Édouard Philippe ou Gabriel Attal ? Aucun ne semble pour l’instant fédérer ni l’électorat ni les réseaux du pouvoir.
L’actuel chef de l’État semble vouloir sculpter son héritage autour de deux axes : la réindustrialisation et l’autonomie stratégique européenne. Il multiplie les annonces de relocalisations, les inaugurations d’usines et les projets de souveraineté technologique. Mais ces efforts seront jugés à l’aune de leur efficacité concrète à relancer une économie encore fragile.
- Le déficit public dépasse 5 % du PIB (donnée INSEE, avril 2025).
- La dette atteint un niveau record de 3 300 milliards d’euros.
- La croissance reste atone (prévision 0,9 % pour 2025).
Un autre défi concerne la jeunesse. La promesse d’un « pacte entre générations » est encore floue, malgré la mise en place du Service national universel (SNU) et d’aides à l’emploi. Là encore, la perception d’un discours déconnecté des réalités de terrain freine l’adhésion.
Ce que nous pouvons attendre de la fin du quinquennat
À moins d’un choc politique ou économique majeur, Emmanuel Macron devrait aller au terme de son mandat sans recomposition profonde. L’hypothèse d’une dissolution reste peu probable, à moins d’un blocage institutionnel inédit. Le président semble préférer « tenir » jusqu’en 2027 plutôt que « transformer » à tout prix.
Mais l’histoire retiendra-t-elle son audace ou ses hésitations ? Sa volonté réformatrice ou l’usure du pouvoir ? La réponse se joue aujourd’hui dans la capacité du président à renouer un lien avec le pays, à apaiser les tensions sociales et à donner corps à une vision politique crédible pour l’après-Macronisme.
Nous observons une présidence entre deux eaux, marquée à la fois par une ambition internationale intacte et une fragilité intérieure croissante. À lui désormais de choisir comment clore ce cycle : par une consolidation lucide, ou par un entêtement solitaire.


